Un contingent de troupes américaines est dans nos murs. Nous connaissons déjà leur feutre et leur uniforme beige ; on nous avertit que, dans l'intimité, ces nouveaux alliés répondent au nom de Teddy. C'est le prénom amical du colonel Roosevelt, à qui cette préférence fera autant de plaisir qu'elle lui fait honneur.
Ainsi notre vocabulaire s'enrichit tous les jours.
Tommy est d'un usage aussi commun que
poilu ; nous distinguons dans l’armée portugaise le
serrano, fils des montagnes, et le tireur d'élite qui s'appelle le
snipper ; nous savons qu'en Allemagne le fantassin se nomme
feldgrau, en Italie
grigio verde.
Pour peu que la guerre dure, nous parlerons couramment toutes les langues étrangères, amies ou ennemies ; notre réputation de paresse et d'ignorance ne sera plus qu'une injuste légende comme notre renom de légèreté.
En tout temps et partout, on s'est plu à donner au militaire quelque surnom familier ; c'est une marque de sympathie. Un général qui n'en a point n'est pas le chef de son armée ; s'il n’était pas devenu le Petit Caporal, Napoléon serait encore lieutenant. Le modeste troupier a droit aux mêmes égards ; il est heureux, de l'autre côté du Rhin, qu'on le nomme Michel ou Fritz, au-delà des Alpes qu'on l'appelle Beppino. Un Japonais qu'on baptise "le petit Jap" se sent tout de suite en pays allié ; l'Anglais le plus sévère sourit d'aise à s'entendre appeler Tommy.
Il ne faut qu'un peu de prudence dans l'emploi de tous ces petits noms. Un conscrit de 1914 accepte volontiers qu'on le nomme Marie-Louise ; ses cadets de 1916 et de 1917 écoutent avec plaisir les surnoms de Bleuet ou de Coquelicot ; un briscard admet celui de poilu, un
R. A. T. tolère celui de
pépère ; il froncerait le sourcil au nom de Champignol et j'imagine qu'on ne ferait aucun plaisir à un héros de Verdun en l'appelant Dumanet ou Pitou.
Z.